Entrevue sanglante entre carnivores :3 [PV: Kristen]

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Hj- Et un topic pour mangeurs de viande X3 J'espère que ça te plaira.

La brise nocturne agitait doucement les mèches de cheveux ébènes du jeune homme, qui, debout sur le toit d'un immense immeuble (et l'on se demandait comment il était parvenu à cette hauteur) semblait captivé par la lune. L'astre de la nuit, ce soir là, constituant un cercle parfait, surplombait la ville de Tokyo II et l'éblouissait de ses rayons pâles, déchirant les ténèbres présentes. C'était un spectacle que Kurogane n'aurait voulu manquer pour rien au monde.

Oui, de cet immense immeuble, la vue de la mégalopole était imprenable. Il y avait une seule chose qui n'avait pas changé par rapport au premier Tokyo que Kurogane n'avait pas eu l'occasion de connaître: les lumières. Un océan de néons, d'un nombre de couleurs infinies ployait sous ses yeux, contrastant avec la pureté de la lumière de la lune. Seul et insignifiant détail qui, pour le jeune homme, gâchait tout son plaisir: cet épais et gigantesque dôme de verre, contre lequel il pesta, et derrière lequel cette amie si chère à ses yeux était emprisonnée. Non, c'était plutôt lui qui était emprisonné dans cet enfer; loin de la lune, et isolé du reste du monde.

* ...Pourquoi craindre l'enfer quand on y est déjà? *

Kurogane alluma une cigarette et la porta à ses lèvres. Cette simple vue ayant réussi à le dégoûter de son spectacle favori, et las de rester immobile, il décida de continuer sa promenade nocturne; c'était un des rares moments qui le relaxaient vraiment, et comme il n'avait pas souvent l'occasion d'en profiter, autant essayer d'oublier un peu cette horrible réalité. Quant à son frère, et à son devoir de vengeance, il ne valait mieux pas y penser non plus. Une bonne raison de plus pour ne pas rester là à ne rien faire.

En soufflant nonchalamment la fumée de sa cigarette, il marchait lentement sur les toits sombres, et regardait cette ville de haut de ce même air hautain et empli d'orgueil que celui avec lequel il regardait les gens. Oui, il se sentait comme un dieu qui, de là haut, observait le bas monde avec une sorte de dégoût. Car il en était convaincu: ce monde, ou plutôt, cette ville était pourrie. Et le reste du monde, celui derrière lequel la lune le narguait ne devait pas être mieux non plus. Quoique non, il n'était pas sûr que l'on puisse trouver pire que Tokyo II. Mais qu'est-ce qu'il en savait, après tout?

Il ne pouvait pas non plus s'empêcher de repenser à son entrevue avec l'étrange Tsukiyo. Dire qu'elle l'avait laissé dans cette ruelle, lors de leur rendez vous improvisé qui avait étrangement pris fin 5 bonnes minutes après son commencement officiel... Elle avait un des ces culots, à tel point qu'il s'était dit -et répété plusieurs fois- qu'il n'avait jamais vu une fille pareille; mais après y avoir longuement repensé, il avait, avec horreur, déniché son identité dans ses souvenirs. Enfin, plutôt, celle à qui elle lui faisait tant penser, car qu'est-ce qui lui prouvait que c'était bien elle?

* Et si cette fille était... cette petite teigne aux cheveux noirs... *

Il gardait encore, incrustée dans ses souvenirs d'enfance, une petite brune surexcitée aux yeux verts pétillants de malice, semblables à ceux de Tsukiyo, qu'il avait croisée quelquefois à la Mafia et qui lui tapait sur le système, comme il le disait, à l'époque. Le terme de teigne était donc un peu fort pour cette petite fille qui n'était au fond pas bien méchante, et qui plutôt, comme Tsuki l'avait fait, avait remarqué qu'il était très divertissant d'énerver le garçon. Le seul fait qu'elle puisse être cette fille qui avait brusquement disparu et qui quelquefois, il devait l'avouer, lui avait manqué le bouleversait. Il avait ce lien étrange avec le passé qui le rendait mélancolique à la pensée de la moindre chose à laquelle il s'était un peu attaché. Et puis, il soupira, se traita d'idiot, et chassa cette pensée de son esprit. Maintenant qu'il ne la reverrait sûrement plus, ça ne servait plus à rien de s'embêter avec ça.

Il vagabonda encore longtemps, perdu dans ses pensées, laissant la cendre tomber de la cigarette abandonnée entre ses doigts, quand soudain la poussée d'adrénaline qu'il eut le fit revenir sur terre: il venait d'arriver au bout de la série de toits sur laquelle il marchait depuis un bon moment, et avait manqué de peu de tomber dans une ruelle sombre qui se dressait sur son chemin, et qui l'empêchait de rejoindre le toit suivant. Alors, maudissant cet obstacle pour avoir perturbé la tranquillité de sa promenade nocturne, il jeta sa cigarette, et, ni plus ni moins, il sauta.

Une fois retombé sur ses pieds, et ses yeux entraînés s'habituant instantanément à la faible luminosité de l'endroit, ses sens l'alertèrent; il n'était pas seul dans cette sombre ruelle. Avec cette présence étrange, il avait aussi senti cette odeur forte et métallique de sang qu'il connaissait bien: un assassin, un vampire? Automatiquement, et en une fraction de seconde, il se saisit de la poignée de son sabre à la lame noire (car après tout, pourquoi ne pas se servir de l'acier noir de son nom, en bon égocentrique qu'il était) et dégaina, la pointe de son sabre dangereusement posée sur la gorge de l'inconnu tapi dans l'ombre. Enfin, après cette entrée en scène quelque peu extraordinaire, l'adolescent daigna dire, avec ce regard écarlate dans lequel semblaient rougeoyer des braises, cette voix de glace, et cet air hautain qu'il avait toujours (et qui par ailleurs le rendaient franchement détestable):

" ...Qui es-tu, et qu'est-ce que tu veux? "

L'Acier Noir ne se rendait pas compte, dans l'amour excessif de sa propre personne qu'il était plutôt à son interlocuteur de dire cela, vu que c'était lui qui avait sauté dans cette ruelle et lui encore qui lui avait mis la lame sous la gorge sans autre forme de procès. Mais bon, que voulez vous, Kurogane était Kurogane, et dès qu'il sentait la moindre menace, l'assassin se sentait obligé de déterrer la hache de guerre. Si seulement celui-ci c'était rendu compte, avant de s'adresser à cet inconnu de la sorte, que pour lui, sa gorge nue était aussi appétissante que la couleur de ses yeux...

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[sure :3]

Elle était jolie. Son rire fluté résonnait contre les murs avant de se perdre dans la nuit, et elle paraissait être une petite fée égarée dans un monde qui n'était pas le sien. Un monde sombre et sale où elle rayonnait pourtant, un monde souillé enseveli sous la crasse de la perfidie des hommes. Mais par l'avènement de l'obscurité elle parvenait à éclairer la ruelle de sa joie et de son sourire, fierté de ses amis qui plaisantaient, naïfs petits êtres insignifiants...

Deux orbes cristallins luisent dans les ténèbres. Ils ne la lâchent pas, la suivent avec avidité sans s'en détacher une seule seconde.

Cette désagréable sensation d'être observée et suivie persistait, sans qu'elle sache d'où cela pouvait bien venir. C'était comme un regard néfaste posé sur sa nuque. Elle se retourna une nouvelle fois, faisant voler ses cheveux, fronçant ses fins sourcils avec une lueur d'inquiétude dans ses yeux clairs.

Tu ne vois rien, mais tu n'as pas encore peur...

La venelle était déserte derrière le groupe. Mais autour des flaques faiblardes de lumière des rares lampadaires encore en état de marche, on distinguait mal les formes et les contours. Cette poubelle, là-bas, n'était-ce pas un monstre édenté qui se ramassait sur lui-même pour mieux sauter? Et sous le porche, quelle chimère était donc tapie en attendant la venue de sa prochaine victime? Mais un jeune homme lança une plaisanterie, et elle oublia son malaise.
Marchant dans leur entrain insouciant bordé de la joie d'être ensemble -ensemble?- ce fut son foulard qui la trahit. Quelle triste ironie du sort que de voir son destin scellé par un mince bout de tissu... Le carré de soie glissa lentement de ses épaules graciles sans qu'elle s'en rende compte, et vint délicatement se poser sur le sol sans un bruissement. Et ils continuèrent à marcher, laissant là l'étoffe, petit débris de douceur lilas abandonné sur le bitume...

Si pure...

Ils tournèrent au coin de la rue. L'heure était venue. Elle remarqua la perte de son écharpe, et leur dit qu'elle les rejoindrait vite. Elle revint sur ses pas rapidement, jetant des coups d'oeil anxieux autour d'elle. Mais revenue dans la ruelle sombre, à l'endroit où se trouvait l'étoffe, sur le sol sale, il n'y avait plus rien.

Sens cette douce odeur de mort qui plane autour de toi, et la tension qui pèse lourdement sur tes frêles épaules, vois la noirceur d'un monde qui n'est pas tien, pense à cette vie qui a disparu comme le foulard auquel tu tenais tant.

Un sourire s'alluma dans l'obscurité, dévoilant une rangée de dents blanches sur lesquelles ressortaient les canines pointues. Le lampadaire se mit tout à coup à clignoter avant de s'éteindre complètement, plongant la moitié de la rue dans les ténèbres. Elle crut voir un mouvement, et sentir quelque chose frôler son bras. Elle s'immobilisa, terrorisée. Puis elle s'enfuit. Elle courut, du plus vite qu'elle pouvait, vers le salut au coin de la rue, mais dans l'ombre, il n'y avait pas qu'une respiration haletante.

Tu as peur, tu essaies de fuir, ta vaine panique ne t'enfonce que plus dans l'impossibilité de t'en tirer, il est trop tard. Cours, ma belle, cours... Tant qu'il est encore temps.

Un hurlement suraigu d'adolescente résonna dans le quartier, puis se tut brusquement. Alarmés, les jeunes gens surgirent quelques secondes plus tard. La venelle était vide...

Loin de là, une silhouette à genoux tenant dans ses bras le corps inerte, se calmait peu à peu. La peau était douce, sucrée, pâle; parfaite... Lèvres collées à son cou dans le baiser mortel, le vampire léchait avec satisfaction la plaie ensanglantée. Dans cette noirceur on ne distinguait pas le nectar écarlate, rouge sur la blancheur immaculée de la demoiselle qui n'avait eu comme tort que d'être jeune, jolie, et probablement vierge...
Elle s'était débattue. Elle avait crié, et tenté de le frapper de ses petits poings innofensifs. Mais il avait trouvé la jugulaire avant qu'elle aie remarqué la couleur étrange des yeux de l'agresseur, pourtant bien visibles dans la nuit. Dans ses derniers sursauts désespérés, elle avait tenté de résister, mais déjà il effleurait de ses lèvres sa gorge blême... Elle n'aurait jamais pensé finir sa vie dans les bras d'un incube, soumise à la torture de ses baisers, et avant de s'éteindre à jamais, son coeur trouva le temps de se troubler au parfum d'un jeune homme ensorceleur...

La satisfaction se lisait sur le visage de Kristen. Yeux mi-clos, il se délectait en silence, seul à cette heure bien avancée, au sol au milieu d'une ruelle si retirée et si sombre, que nul lampadaire ne daignerait jamais gratifier de son aura bienfaitrice. ...seul? Il ne s'attendait pas vraiment à voir atterir d'on ne savait où une espèce de gamin arrogant, qui pris d'une impulsion étrange -ou suicidaire- lui plaça une lame sous la gorge en lui intimant plus ou moins aimablement de se présenter.
Le brun ne sursauta pas, et laissa planer quelques secondes sans interrompre sa dégustation, ignorant princièrement la pointe du sabre posée sur son cou. Puis il tourna la tête, lentement, transperçant de son regard couleur ciel d'hiver, aussi froid et impitoyable que les glaces éternelles, aussi intense que la beauté insaisissable d'un sortilège cruel, l'être qui avait osé le déranger.

-Est-ce bien là une façon convenable de saluer les gens, mon jeune ami?

Le jeune homme passa sa langue sur sa lèvre supérieure, récupérant quelques gouttes du précieux liquide -qui à vrai dire barbouillait la moitié de son visage. Et il sourit sans cesser de fixer l'adolescent, qui verrait ses chances de survie diminuer dangereusement s'il s'avisait de faire autre chose de déplaisant. Il y avait quelque chose d'effarant dans la démence du vampire, qui pétrifiait les humains lorsqu'en cet état de stase il les analysait en donnant l'impression de lire en eux sans le moindre effort. Il y eut un instant de trouble, ou d'innatention, toujours fut-il que Kristen repoussa nonchalamment de son doigt la lame qui le menaçait.

-Tu as de la chance, ce soir a déjà vu son sacrifice...

Même si la lueur de folie ne s'était pas tout à fait éteinte dans son regard de glace à la profondeur effrayante, le Prince ne tremblait plus. Il se releva après avoir déposé délicatement la jeune fille comme endormie sur les pavés sales. Ses longs cheveux bouclés étendus atour de sa tête, elle ressemblait à un petit ange endormi perdu chez les hommes... Quel dommage... Il retrouvait ses esprits progressivement, prenant conscience du lieu où il se trouvait, de la flaque de sang qui souillait le sol et des taches écarlates un peu partout sur sa chemise auparavant aussi blanche que la neige.

C'était un adolescent altier aux cheveux noirs qui semblait doté d'un caractère à exaspérer le plus patient des sages de tout Tokyo II -s'il en subsistait encore. Quel couleur fascinante pour ces yeux... rubis contre topaze, deux regards fascinants, l'un aussi clair et pur que le ciel, l'autre sombre teinté de l'écarlate sacré qui réjouissait tant les vampires. S'ils semblaient s'affronter en silence, celui de Kristen était pour l'instant dénué de toute hostilité mais plutôt d'une curiosité amusée. Allait-il devoir tuer l'intrus, qui l'avait surpris en pleine crise? Mais une dans la soirée était suffisant, il avait eu sa dose de sang et le manque s'était évanoui aussi vite que l'envol de l'âme de la demoiselle.

-On m'appelle BloodStained, Prince de la Nuit, au service de ces dames. A qui ai-je l'honneur?

Il avait une peau jeune, fraiche... Il sortit un mouchoir de sa poche et commença à essuyer ses joues éclaboussées de la sève vermeille de l'adolescente. Debout dans la ruelle, droit et élégant comme à son habitude, il dévisageait le nouveau venu, et ses lèvres s'étirèrent en l'ébauche d'un sourire presque amical, tandis qu'il s'attardait sur le cou du garçon.

Invité

Plus il le regardait, et plus l'adolescent s'avouait qu'il était captivé par l'être tapi dans l'ombre. Il avait d'abord senti cette odeur familière et métallique de sang, et, sabre en main, commençait à se demander sur quelle gorge il avait osé poser la pointe de son arme. Avant que l'être mystérieux tapi dans l'ombre qu'il menaçait ne relève la tête, Kurogane se rendit compte, qu'en fermant les yeux et en prêtant suffisamment attention, qu'il pouvait entendre distinctement le sang couler dans la gorge du vampire. Il n'y avait donc plus de doute: il avait bien affaire avec la créature occulte dont il avait tant entendu parler. Et la jeune et pure fille aux cheveux d'or qui reposait entre ses bras était sa proie.

Il avait toujours affectionné les choses sombres et occultes, qui le rapprochaient de cette mort avec laquelle il avait un lien si particulier; alors, le fait de l'avoir incarnée devant lui, de sentir la menace que le buveur de sang représentait, cette adrénaline que causait le danger mortel, il devait se l'avouer, il adorait ça. Et, fasciné et effrayé à la fois, il le regardait s'abreuver du sang de la pauvre jeune fille. Un spectacle auquel il ne s'attendait pas, cette nuit de pleine lune, où il avait été contraint de s'engouffrer dans une sombre ruelle. Et, voyant sa lame détournée gracieusement par la créature, l'adolescent n'osa plus faire le moindre mouvement.

Lorsque le prince de la nuit avait daigné relever la tête et s'adresser à lui, en lui reprochant son absence de politesse envers un être qu'il avait dérangé, Kurogane, dans son arrogance peu commune et cette envie d'affronter le danger en face avait plongé son regard écarlate dans celui du vampire. Tiens, des yeux topaze, s'était-il dit. Il se serait plutôt attendu à des yeux rouges comme il en avait, ou quelque chose qui fit plus "créature de la nuit", car la vision du vampire, celle qu'il avait eue dans les livres, était à la fois proche et complètement opposée à la vue de celui qu'il avait devant ses yeux. Il se serait attendu à un être plus vieux d'abord, et habillé d'une façon qui rappelait plus quelque chose comme l'ancienne Angleterre; mais il n'était pas dans un roman , et dans Tokyo, les vampires n'étaient que des humains s'abreuvant de sang, des être animés d'une folie et d'un désir cruel que seuls eux comprenaient.

Et puis le lien de leurs regards se rompit: ce duel avait duré longtemps, mais l'adolescent avait finit par céder à celui du vampire, sidéré. Personne n'avait jamais réussi à faire plier son regard écarlate. Mais il dut avouer que le regard du vampire était aussi attirant qu'effrayant: il avait eu l'impression que celui-ci, lorsque qu'ils s'étaient longuement regardés avait sondé entièrement son âme, et il détestait cette sensation. Alors, il détourna ses yeux des topazes brillants de Kristen pour les poser sur les cheveux tout aussi dorés de la jeune fille qui gisait entre les bras du vampire, (et qui décidément faisait l'archétype de la victime) et, d'un ton calme mais incroyablement insolent, il répondit:

" ...Disons que c'est ma façon de réagir lorsque je pressens le danger, et que la politesse n'est pas ma première priorité lorsque ma vie est en jeu... Car je puis pas me permettre pour l'instant de la perdre, surtout pas à cause d'un vampire... "

Sur ce, comme le vampire se léchait les lèvres en un geste effrayant, Kurogane fit tourner sa lame d'un geste de maître et la fit lentement glisser dans son fourreau. Il ne voulait pas jouer le jeu de l'humain effrayé, poussé des ses moindres retranchements face au vampire, et, trop fier, préfèrerait se battre s'il le fallait pour prouver qu'il n'avait pas peur; il voulait lui faire comprendre qu'aussi dangereux l'un que l'autre, ils étaient sur un pied d'égalité. Enfin, c'était le point de vue de l'adolescent, peut être un peu trop sûr de lui. Puis, la menace déguisée sous la phrase courtoise de Kristen ne le fit pas plier. Il voulait son sang? Il l'attendait, tiens! C'était le type de garçon à céder avec délectation à toute provocation, et il semblait presque attendre que le vampire se jette sur lui pour s'abreuver de son sang à son tour, et répondit, ironiquement:

" Oui, vous avez raison, on dirait que je vous dérange pendant votre repas... Vous m'en voyez navré. "

Sur ce, il s'apprêtait à tourner les talons, lorsqu'il se stoppa net: de façon inattendue, le vampire s'était présenté à lui. Alors, l'adolescent détourna la tête, d'abord avec un air sceptique, lui qui croyait que la créature n'attendait que son départ car il l'avait dérangé, et hésita un instant. Non, il n'avait plus le choix, maintenant que le vampire s'était directement adressé à lui, et qu'il avait suffisamment enfreint les règles de politesse élémentaires, et qu'il n'était pas aussi suicidaire que cela, l'adolescent ne pouvait plus s'en aller, et était contraint de poursuivre la discussion. Il n'était apparemment pas prêt de pouvoir retourner contempler la lune, et surtout de se débarrasser de cette omniprésente et forte odeur de sang qui commençait à le déranger; alors, avec un regard et un ton plus respectueux que précédemment, il lança, en guise de présentation:

" ...Kurogane, Prince de l'Enfer. "

Car quelque part, l'assassin et le vampire se ressemblaient, dans cette proximité de la mort qu'il avaient tous deux: tous deux la donnaient à des fins personnelles, l'un pour assouvir ses pulsions, l'autre pour son devoir, et même si ces deux raisons étaient très différentes, elles les rapprochaient malgré tout. Oui, ils étaient deux princes ténébreux et cruels, craints et enviés à la fois, et ne pouvaient que se lier d'amitié... par le sang. Pauvre ange, qui reposait dans les bras du prédateur. Il avait comme une sorte de compassion pour elle, en se disant que la cruauté de leur monde était immense.

* ...Itachi ne tardera pas à la rejoindre, j'en fais mon affaire. *

Et sans bruit, il se mit à regarder cette lune qu'il aimait tant, en se demandant si la jeune fille avait eu le privilège de pouvoir la contempler de près, lorsqu'elle était montée au ciel...

Invité

[mwahaha]

Suite aux paroles et à la présentation de l'adolescent, le vampire sourit encore plus, dévoilant une rangée de dents parfaitement blanches. C'était un petit intéressant. Il ne semblait pas trop effrayé par la vision macabre qui s'était offerte à lui, et même quelque peu captivé par le sang de la jeune vierge.

-Tu es amusant. Je ne vais pas te tuer pour le moment ♥

Il eut un petit rire, avant de se baisser adroitement pour récupérer l'étoffe lilas qui avait autrefois appartenu à une âme chaste, et la mit dans sa poche avec délicatesse comme pour ne pas la froisser. Le corps était bien mis, poupée désarticulée à la crinière d'or, allongée comme si elle allait se réveiller d'un instant à l'autre et repartir chercher ses amis... Il la contempla quelques secondes d'un air absent. Et tout à coup son regard fut sur Kurogane.

-La mort donnée par un vampire serait-elle moins noble qu'une autre?

Kristen ne souriait plus, fixant juste le garçon de ses iris si clairs. Il avait dit précédemment ne pas vouloir mourir, et encore moins à cause d'un vampire. C'était une voie bien dangereuse que de s'aventurer à contrarier l'héritier Ryuuketsu... Quoi de plus noble que d'offrir son sang à un être supérieur, que de mourir pour la délectation des princes? Un courant d'air glacé sembla passer entre les deux hommes, l'un jeune et entraîné, l'autre plus expérimenté et sauvage, chacun suivant des chemins bien différents qui les mèneraient sûrement tous deux à leur perte. C'était un terrain miné pour le successeur de la famille Kurasagi, qui devait faire très attention où il posait ses pattes.
Et puis une idée sembla effleurer l'élégant jeune homme. Il accorda de nouveau un grand sourire à Kurogane, qui devait être subjugué par son lunatisme.

-Tu me plais, soyons amis. Je vais te montrer ce qu'est la gloire et la jouissance comme peut les voir un vampire. Viens.

Ce dernier mot sembla teinté d'une inflexion menaçante même s'il n'en laissait rien paraître. C'était un appel sans équivoque qui tolérerait mal un refus, si poli soit-il. Quand bien même la politesse ne semblait pas être le fort de l'adolescent. Mais c'était trop tard, il s'était embarqué dans le jeu d'un psychopathe aux manières raffinées, et plus rien ne semblait l'en pouvoir sortir. Voilà ce qu'il en coûtait d'agresser soudainement les honnêtes gens -honnêtes?- en leur passant lame sous gorge alors qu'il n'avaient rien demandé à personne... Kristen se mit en marche, et en passant devant son “disciple” lui lança un regard provocateur. De quoi donc était capable ce jeune étalon qui semblait bien sûr de lui?
La nuit était loin d'être terminée, et le jeune homme au grand manteau noir avait un projet pour ce damoiseau. Il avait cru déceler chez sa nouvelle rencontre quelque chose qui s'apparentait à la passion du sang, ou du moins une fascination étrange. On allait tenter d'éveiller des instincts vampires, de découvrir s'il y avait une nature cachée dans ce gamin au sabre. Peut-être y trouverait-on un frère? Quoiqu'il en fut, Kristen l'avait déjà adopté, et même s'il ne se révélait pas bébé Dracula en puissance -décevant constat- il y aurait de fortes probabilités pour qu'il continue quand même à l'apprécier.
Mais pouvait-on parler de probabilités avec un être aussi imprévisible? Surtout que c'était la nuit -son domaine- et qu'il sortait tout juste d'une crise de folie intense. Tant pis pour Kurogane, c'était à ses risques et périls...

-Allons pour ton initiation, discipulus ♥

Il était parti d'un air presque joyeux, sans attendre que Kurogane le rattrape, persuadé qu'il le suivrait s'il tenait à le garder de bonne humeur. Il fallait une nouvelle proie, une nouvelle jeune et jolie vierge effarouchée, un nouveau calice sur lequel poser ses lèvres. Le quartier dans lequel ils se situaient était désert, Kristen avait dû emmener loin sa victime pour ne pas risquer de se faire surprendre -ironie du sort, d'ailleurs. Il fallait retourner là où on aurait plus de chances de trouver du monde. Même à cette heure tardive, dans les rues de Tokyo II, on pouvait encore dénicher d'insouciantes demoiselles, la plupart du temps accompagnées. Il suffisait juste de les soustraire discrètement à leur compagnie, ce qui s'était très bien passé pour l'ange aux cheveux d'or qui s'était jetée elle-même dans la gueule du loup...
Deux silhouettes dans les ruelles sombres, deux mâles ténébreux loin d'être des anges, deux jeunes hommes dénués de toute innocence, et pourtant l'un trouvait le moyen d'être pire que l'autre et de vouloir lui enseigner son vice. C'était satisfaisant de corrompre la jeunesse...

Leurs pas résonnaient à peine dans la ruelle, habitués à se faire discrets. Il fallait apprendre à se faire ombre dans la nuit, devenir un fantôme insaisissable, et refermer doucement ses griffes sur la proie sans se faire repérer. Voyons donc comment se débrouillerait Kurogane...
Quelques minutes plus tard, ils finirent par entendre des éclats de voix. On se rapprochait de la civilisation. Ils pouvaient voir une vingtaine de mètres plus loin, au bout de la rue, une source de lumière. C'était de là que provenait le semblant de conversation... Ils s'avancèrent en silence jusqu'au coin de la rue qui débouchait sur une petite place avec une buvette. Ah, il y avait même un fond de musique. Le vampire se pencha légèrement pour observer sans se faire repérer, analysant la situation de son regard froid sans omettre le moindre détail. Une dizaine de personnes d'âges variés étaient assis à une table près du bar, derrière lequel le barman accoudé s'assoupissait. Un groupe de jeunes gens se tenait à l'écart des adultes. Trois filles, cinq garçons. Voilà qui était intéressant, mais elles étaient bien gardées. L'ambiance était plutôt chaleureuse, les adultes semblaient avoir bu en cette fin de soirée. Une sorte de dînner entre amis qui s'était prolongé tard, tout s'était bien passé, et on n'allait pas tarder à rentrer. Soit Kurogane arrivait à soustraire discrètement une des adolescentes -risqué- soit on attendait qu'ils partent, et on en cueillait une en cours de route.

-Voilà. Laquelle tu préfères? Choisis-en une. Après tu te débrouilles pour l'attirer ici. Mais fais doucement avec ton sabre, tu risques de la décapiter.

Sourire encourageant. Comme si c'était absolument naturel. Ce n'était pas quelque chose du genre: va acheter le pain s'il te plaît, ou alors fais la vaisselle et épluche les patates; non, c'était égorge moi une fille -jeune vierge effarouchée de préférence. Voilà, il allait commencer à connaître un peu Kristen dit BloodStained, sanglant surnom qui signifiait bien ce qu'il signifiait.

L'élégant jeune homme au manteau noir s'adossa au mur, et posa ses yeux couleur ciel d'hiver sur son disciple. Il attendait avec impatience de voir comment allait s'y prendre l'adolescent. Pour l'instant il le livrait à lui-même, mais il viendrait l'aider si besoin s'en faisait sentir. Il ne devrait avoir aucun problème à égorger une demoiselle, lui qui posait son sabre sans hésitation sur la gorge des gens qu'il croisait. Ca risquait d'être amusant...

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Hj: J'y ai passé deux heures entières xD A écouter avec Map Of The Problematique de Muse... Si tu peux xD

D'après Stephenie Meyer, il y a trois grandes étapes par lesquelles passait l'humain dans sa transformation en vampire qui se résument en trois mots solennels: Fascination, Tentation, et Hésitation. Il avait suffi au jeune homme de plonger son regard écarlate dans les topazes du vampires pour être fasciné. Ce puissant et attirant regard avait suffi à le faire succomber à l'envie de connaître mieux le prince de la nuit; il aimait jouer avec le feu, et s'était précipité dans le brasier en se présentant à son tour... Maintenant, ayant déjà entamé la première étape, sans le savoir, lui qui regardait ce ciel avec tant de mélancolie et d'attente, se dirigeait vers la deuxième, vers celle qui lui ressemblait le plus, ce mot qui régissait sa vie de démon humain, la tentation. Et si ce n'était pas la seule mort qui lui faisait envie, mais la proximité de l'Enfer?

Le sarcasme du vampire fit revenir le jeune homme sur Terre. Amusant, lui? L'adolescent, impassible, ne sut pas quoi répondre à cette étrange remarque... Il ne voyait pas tellement en quoi le fait de se défendre lorsqu'on sentait venir le danger, ou bien de se présenter était amusant, mais après tout, il supposait que jamais un humain ne pourrait comprendre les lubies d'un vampire, et se contenta de le fixer avec un air pensif. Comment une créature comme celle-ci faisait elle pour avoir un tel droit de possession sur la vie des autres? En quoi Kristen se donnait-il le droit de dire qu'il lui laissait la vie sauve, comme s'il avait fait preuve d'un affront à son égard? L'expression de Kurogane se corsa, et il répondit, avec un air quelque peu méprisant, avec lequel il regardait la plupart des gens:

" Ma vie n'appartient qu'à moi seul, qu'il se trouve devant moi un vampire, un loup garou, un dieu de la mort même, ou qui que ce soit d'autre... "

Le démon qu'il était ne craignait pas l'Enfer auquel il était sûr de goûter lorsqu'il passerait de vie à trépas. Au contraire, il semblait presque l'accepter avec une sorte de satisfaction étrange que représentait la punition de tous les péchés qu'i lavait commis jusqu'à maintenant, et commettrait encore. Orgueil, Luxure, Colère. Il en avait trois sur sept, et les avait assez appliqués pour s'offrir la place du diable. Il attendait la damnation avec placidité. Du moment qu'il réussissait à tuer son frère, il était prêt à subir toutes les tortures de l'Enfer, c'était ce qu'il se disait souvent, et qu'il considérait comme un repos par rapport à sa vie actuelle. Ainsi, il n'avait pas peur de cette mort qu'il attendait. De mourir tué par un vampire, un assassin, un mafieux, il s'en fichait, mais la question n'était pas là... Il toisa, impassible, le vampire dont les menaçantes pupilles topazes brillaient de colère, et déclara alors:

" Vous vous méprenez. Je n'insulte ni la mort en elle même, ni celle que vous donnez à vos victimes... Tout ce que je souhaite et qui m'empêche d'aller rejoindre les miens, c'est le devoir de vengeance que l'on m'a confié. Je n'ai pas possession de ma vie. Je la vis juste dans l'attente de Le tuer... Et c'est pour cela que je ne puis pas me permettre de mourir pour le moment...

"Je dois d'abord tuer mon frère", murmura-t-il, avec une voix et des yeux dont se dégageaient une mélancolie et une tristesse que l'on ne pouvait trouver que chez lui, lorsqu'il venait à penser ou à parler de son passé. Mais l'assassin se rappela vite à l'ordre, comme l'expression impassible qui se redessina sur son visage aussi vite qu'il avait détourna son regard vers le sol, comme s'il cherchait à combler ce vide que sa propre phrase avait creusé en lui. Et le vampire dut s'en rendre compte, car là vint la proposition. Tentation. Ce fut le mot. Devait-il le suivre, à ses risques et périls? Le jeune homme n'hésita pas. La proposition du vampire était si attirante que, sans savoir trop pourquoi, il se mit à le suivre, toujours aussi attiré par cette proximité de la mort qu'il trouvait dans celle du vampire...

Et puis le mot vint. Il reconnut tout de suite cette parole de Latin.Discipulus, i,nom masculin, deuxième déclinaison, l'élève. Un des premiers qu'il avait appris, il y avait au moins 10 ans de cela, lorsqu'il avait touché pour la première fois à cette langue perdue... Et avec laquelle Satsuki le torturait à coup de gigantesques traductions. Cependant, ce mot réussit à le faire sourire. Il avait enfin trouvé quelqu'un avec qui partager son savoir... Il suivit d'autant plus avidement le vampire, lui qui avait stimulé la curiosité en l'invitant à la suivre. Quel défi allait-il pouvoir bien lui lancer?

C'est là que le "maître" s'arrêta, le jeune homme faisant de même, et regardant ce que celui ci désirait lui montrer. Il ne vit que quelques adolescents, un peu plus âgés que lui, assis autour d'une table, en train de discuter bruyamment. Une scène aussi banale que rare, à cette époque où peu de gens s'amusaient encore. Il ne saisit pas d'abord ce que le vampire attendait de lui, mais, avant même qu'il ne prononce ses consignes, le seul regard avide qu'il avait fit comprendre à l'adolescent ce qu'il attendait de lui. Il lui demandait de tuer pour lui, mais pas seulement ça.. C'était une personne innocente à laquelle celui-ci voulait qu'il s'en prenne. L'expression de Kurogane se corsa. Car la notion qu'il avait de la vie était différente que celle que l'on aurait pu penser qu'il avait. Il regarda le vampire avec un mépris et une colère qu'il n'avait jamais encore affichée devant lui, et dit, sur un ton plein d'insolence qu'il ne se serait jamais permis avec lui d'habitude:

" Je suis désolé de contrecarrer vos petits plans de psychopathe, mais je n'ai ni l'habitude ni l'intention de tuer des gens innocents pour assouvir mes pulsions, comme certains... Je ne tue que lorsque c'est mon devoir et que je ne puis pas reculer. "

Il épargnait toujours lorsqu'il le pouvait, et c'était une de ses grandes faiblesses: la compassion. Son maître d'armes, et les autres grands de la Mafia lui avaient toujours reproché d'en avoir trop, pour un assassin. Lorsqu'on lui confiait une mission, il obéissait toujours aux ordres, et qu'on lui commandât de tuer une petite fille ou un riche mafieux, cela ne le concernait pas. Mais jamais il ne tuerait sans raison valable. C'était contre ses principes.

Cependant, il y avait un moyen ultime de le faire céder: la provocation. Et une fois de plus, ce furent les topazes brillantes de Kristen qui le firent plier."Es-tu capable de le faire?"semblait dire le regard du vampire. Alors, l'adolescent, résigné, lança un regard noir à celui-ci, et, furtivement, se mit à scruter les trois jeunes filles visées. Il en désigna une au hasard, une petite brune qui riait comme les autres, au regard bleu profond qui pétillait de malice. Tout le reste fut d'une facilité déconcertante. Il alla rejoindre la ruelle d'en face, et se tapit dans la pénombre, observant toujours sa future victime, qui s'était levée, et, malheureusement pour elle, avait pris un chemin différent des autres."Ne vous inquiétez pas, je ferai attention, j'habite pas loi, allez y!"leur avait-elle lancé joyeusement, avant de les saluer une dernière fois de la main, et de tourner les talons. Ce fut, comme la proie précédente de Kristen, cette témérité de se balader seule dans cette ville qui causa sa perte.

L'adolescent, dont seules les pupilles écarlates étaient visibles dans la pénombre, n'eut, sous les yeux du vampire, qu'à tendre son bras pour attirer la jeune fille vers lui, sur la bouche de laquelle il plaqua immédiatement sa main gauche, avant même qu'elle n'aie eu le temps de crier. Il en était maintenant à la dernière étape. Hésitation. Allait-il la laisser s'enfuir, ou bien mettre fin à sa rayonnante existence? Derrière elle, l'empêchant de faire le moindre mouvement, il approcha ses lèvres de l'oreille de la pauvre âme qui tremblait dans ses bras, et murmura:

" ...Tu n'aurais jamais du les quitter. Tu vas en payer le prix. Je suis désolé. "

Il lui devait tout de même une mort plus douce que celle qui lui était réservée au sabre. Alors, la mettant face à lui, il posa ses mains sur la gorge de la jeune fille pétrifiée de terreur. Il suffit d'une simple pression, et elle s'en fut. Il regarda sa victime qui gisait dans ses bras. La vie était trop cruelle. Les yeux clos, pour ne plus voir cette vérité en face, il sortir un poignard, la fit changer de sens encore une fois, car il était plus aisé qu'elle soit de dos à lui, et d'un geste gracieux, passa rapidement la lame sur cette gorge blanche. Puis il la laissa s'effondrer sur le sol.

" J'espère que vous êtes content, maintenant... "lança-t-il avec mépris au vampire qui le regardait.

La boucle était bouclée, les trois étapes passées. Il était maintenant trop tard pour reculer. Ses mains et sa lame étaient tachées de sang, comme le nom du vampire.

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[glouglouglou *sort*][music: Sordid, Amon Tobin]

Suite aux paroles de son nouveau disciple, Kristen l'avait transpercé du regard, son regard de glace capable de clouer sur place n'importe quel petit insolent. Il s'était demandé s'il devait lui montrer, là, tout de suite, qui décidait vraiment de sa vie ou de sa mort. Car malgré son attitude toujours calme et posée, il avait une part de susceptibilité qui s'éveillait au moindre affleurement lorsqu'il n'était pas dans son état normal...

Heureusement, l'adolescent qui avait dû sentir la tension monter dangereusement s'était expliqué, déviant sa lancée, ce qui sauva certainement son joli cou d'une fâcheuse égratignure. Le vampire s'adoucit, sans pour autant le quitter des yeux. Tuer son frère... C'était un bien lourd fardeau pour un garçon si jeune, qui n'était même pas encore un homme... Aussi, l'héritier ne dit-il rien. Peut-être aurait-il voulu lui témoigner de la compassion, un encouragement, mais il ne laissa aucune parole innoportune franchir ses lèvres closes. Peut-être offrirait-il de l'aider, plus tard, s'il s'avérait amusant comme il l'avait pressenti auparavant... Que pouvait-on faire d'autre quand le destin avait doté les uns d'une vie simple et confortable, tandis que d'autres avaient souffert bien plus qu'ils ne l'auraient dû et luttaient pour survivre dans ce monde impitoyable? Il n'y aurait pas dû avoir cette tristesse dans son regard, ni peut-être cette souffrance bien enfouie qu'il devait s'acharner à cacher derrière un masque d'indifférence froide. Kristen se rendit alors compte malgré lui qu'ils se ressemblaient...

Ils étaient arrivés, et l'adolescent l'avait suivi, comme prévu. Mais seulement, celui-ci ne semblait pas tout à fait disposé à agir comme le lui avait indiqué son “maître”. C'était prévisible, étant donné qu'il semblait avoir un esprit de contradiction assez conséquent. Etait venu le temps de l'encourager un peu.

-Mm, oui, tu es un gamin, j'avais oublié. C'est vrai que les enfants ont peur de tuer... Je me demande d'ailleurs ce qu'un psychopathe comme moi fait avec un gosse qui feint de manier le sabre comme un samourai alors qu'il n'oserait même pas ôter la vie à une innofensive demoiselle.

Mange du sarcasme, mon chéri, nouris-t'en comme des vitamines et échauffe l'envie de tuer qui est en toi. S'il refusait de donner la mort, c'était mal parti pour faire de lui un collègue respectable. On pouvait toujours boire le sang des personnes en les maintenant en vie, c'est à dire sans toucher aux artères principales. Mais la victime ne se tenait pas tranquille et cela gâchait un peu la jouissance du nectar sacré. Non, mieux valait l'avoir morte, sentir sa vie s'envoler entre ses doigts, et se retrouver avec un corps tout chaud et entièrement ouvert à tous les appétits vampiriques.

-Ah! Je comprends, je crois... Tu peux t'attaquer à un garçon, si c'est ça que tu... préfères.

Smile. Kristen avait sérieusement envie d'exploser de rire, mais il se doutait que son apprenti risquait d'assez mal le prendre. Alors, adossé à son mur, il se contentait de sourire, attendant une réaction qu'on pourrait qualifier de positive de la part de Kurogane. Il faudrait qu'il lui trouve un surnom, d'ailleurs...Junior, ça lui irait bien, non?
Et puis, enfin, de l'action. Le jeune homme eut un regard appréciateur à l'encontre de cette adolescente qui s'était séparée du groupe pour venir, comme guidée par son destin, se jeter inconsciemment dans les bras de Kurogane. Tiens, l'encouragement avait porté ses fruits, le garçon s'était décidé à s'occuper d'elle. A contrecoeur, visiblement. Mais c'était déjà ça... Et une demoiselle de plus mourut cette nuit-là, sous le regard amusé du vampire aux cheveux de jais.

-Pourquoi crois-tu que je t'ai demandé de la tuer?

Kristen accourut près du corps inerte qu'il avait laissé s'affaisser sur le sol, après avoir lancé un regard indéchiffrable à son disciple. Lui non plus n'aimait pas tuer sans raison valable. Comment pouvait-il la traiter ainsi? Les femmes, même mortes, se manipulaient avec précaution. Et jamais, ô grand jamais, on ne gâchait la nourriture! L'héritier, à genoux, avait pris dans ses bras avec délicatesse le corps immobile. Il tenta de remettre un ordre dans cette chevelure brune éparse, et passa un doigt sur la coupure de sa gorge. Hm, ce n'était pas un travail de professionnel, il n'avait tailladé la peau qu'en surface. Mais c'était assez pour faire couler du sang... Il lécha son doigt, puis sortit son propre poignard d'argent, et incisa un endroit approximatif où devait se trouver la carotide. Un flot de liquide écarlate jaillit.

-Viens, maintenant. Approche toi.

Il avait furieusement envie de se jeter sur cette source de jouissance, mais il ne devait pas. Elle n'était pas à lui. C'était au tour de Kurogane, il avait enfin accès au plaisir suprême, au nectar sacré pour lequel il avait pris la vie de cette fille, pour lequel des dizaines de nobles déchus égorgeaient leurs victimes, et pour lequel il fallait payer un lourd tribut...
La ruelle demeurait déserte, et le silence était total depuis le départ des autres à la buvette, qui avait fermé. Trois silhouettes dans l'ombre, l'une hésitante, l'autre tenant la troisième contre lui. Plus personne ne viendrait les déranger à cette heure tardive. Ce moment serait certainement moins intime qu'il aurait dû l'être, la communion de deux êtres par le lien du sang qui enjoignait de se trouver seul avec la proie... Mais Kristen se devait de rester, pour lui montrer la voie, et se faire guide de ce vers quoi il l'avait entraîné. Son visage était grave, plus de sourire à présent. Il déposa avec douceur la jeune fille dans les bras du disciple. Sa tête rejetée en arrière exposait sa gorge ensanglantée telle une offrande totale et sans réserve... Le vampire planta ses iris de glace dans ceux écarlates de son nouvel ami. Sans ciller.

-C'est à toi à présent.

Phase finale de l'initiation. Il n'avait aucune idée de ce que pouvait ressentir Kurogane. Sa première fois, à lui, avait été naturelle, il s'était laissé dominer par son instinct et tout s'était très bien passé. Pour lui.
Peut-être éprouverait-il une gêne à boire devant Kristen...? Ce dernier n'aimait pas l'idée de laisser tout seul l'adolescent, comme si celui-ci risquait de mal faire les choses, ou qu'un imprévu allait arriver. Il s'était déjà un peu attaché à Junior, ç'aurait été bête de le retrouver mort pour quelques minutes d'absence. Mais tout cela était certainement dû à la paranoïa excessive d'un psychopathe distingué, qui veillait malgré sa moquerie apparente d'un regard semblable à celui d'un grand frère sur le garçon aux yeux de sang...

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Kurogane fusilla plusieurs fois de suite du regard le vampire qui se considérait comme son maître. Ses sarcasmes avaient été beaucoup trop loin. Même si parfois il recevait la provocation avec joie, aimant prouver ses capacités dans tous les domaines, si celle-ci était trop forte, il pouvait au contraire la recevoir très mal, ce qui chez lui engendrait une colère noire, comme dans le cas de Suzaku et de ses interminables défis. Très fier, comme il l'avait toujours été, il ne supportait pas qu'on le sous estime; le blesser dans son orgueil comme l'avait fait Kristen était risqué.

Car ce n'était pas vrai. Ce n'était pas le fait de tuer quelqu'un en lui même qui le repoussait, ça, pour le peu qu'on lui demandât de le faire, il le faisait sans discuter; il n'aimait juste pas tuer sans raison valable, par cruauté simple. Ce qui lui déplaisait par dessus tout, c'était qu'on lui lance sournoisement qu'il avait peur de le faire. L'adolescent toisa méchamment le vampire, et répondit alors, adossé au mur, ses mains ensanglantées laissant des traces sur ses bras croisés:

" La demoiselle dont vous parlez est morte, comme vous le vouliez, non? Alors pourquoi est-ce que vous commencez à me critiquer, à présent? Je n'ai en aucun cas la peur de tuer. Et si je n'ai pas voulu mettre fin à ses jours, c'est parce que Moi, je ne tue pas par simple plaisir de voir expirer mes victimes dans mes bras en les vidant de leur sang! Je trouve cela cruel et stupide. Vous m'en voyez navré, mais le sadisme et la psychopathie ne sont pas mon genre! "

Et voilà qu'il se mettait également à critiquer sa maîtrise de l'épée. S'il ne s'était pas retenu, l'adolescent se serait jeté sur lui pour lui arracher ces yeux topaze qui le regardaient, rieurs, insupportables. Si le but de Kristen était de faire sortir l'adolescent de ses gonds, il avait mis dans le mille. Kurogane était littéralement bouillant de colère. C'était à peine si la fumée ne sortait pas de ses oreilles. Il enchaînait les lancers de regards tous plus meurtriers les uns que les autres, et, comme si des braises flamboyaient dans ses pupilles écarlates, il lança au vampire, en pointant le poignard ensanglanté qu'il avait conservé en main vers celui-ci:

" ...Et ne vous avisez plus de critiquer mon maniement du sabre, car ne croyez pas que, parce que vous êtes un vampire, vous êtes immortel comme ceux des contes de fées, et que je ne puisse pas trancher votre artère comme je l'ai fait pour celle de votre nouveau repas qui vous attend. Comme ce serait drôle, un vampire qui meurt noyé dans son propre sang... "

Sur ce, il lui adressa un sourire étrange, à la fois mesquin et complice, comme amusé par la provocation qu'il lui avait retournée. Pourtant, le pire était encore à venir. Lorsque Kurogane entendit le sarcasme qui suivit, il crut tout simplement qu'il allait devenir fou, et décrocha une sorte de rictus nerveux, signe qu'il commençait à craquer.

" Désolé, mais non, je n'aime pas les garçons, si c'est ce que vous insinuez... Il va falloir que vous vous trouviez un autre adolescent auquel enseigner votre "savoir", si vous espériez faire de moi votre élève jusque dans votre lit, espèce de... vampire libidineux! "

Sur ce, il lança ni plus ni moins la lame ensanglantée qui, après avoir frôlé dangereusement la joue du vampire qu'elle teinta de rouge, alla tranquillement se loger dans le mur. Non mais et puis quoi encore? Lui, aimer les garçons? C'était tout simplement du délire! On ne pouvait pas lui faire une pire insulte, lui qui était devenu profondément homophobe, depuis qu'il avait rencontré un certain blond du nom de Fye, qui lui aussi d'ailleurs, était de ceux qui se délectaient du nectar écarlate qui coulait dans les veines de pauvres malheureux qu'ils mordaient... Et qui était, sans qu'il le sache, une connaissance de Kristen. Mais Kurogane ne le savait pas, et nous ne nous attarderons pas sur cela.

Il lui fallut prendre quelques instants pour se calmer, lui qui était véritablement au bord de la crise de nerfs, après tout ce que le vampire avait osé lui lancer. Il resta, silencieux, adossé contre son mur, les bras éternellement croisés, le regard tourné vers la rue, tandis que l'odeur du sang se faisait à nouveau de plus en plus présente, et que le "nectar" coulait doucement de la mince plaie sur les pavés, comme ses mains avaient taché ses bras. Puis, comme si le temps s'était simplement arrêté pendant que l'adolescent tentait de canaliser sa colère, lorsque le vampire s'adressa de nouveau à lui, celui-ci, faisant comme s'il ne s'était rien passé, lui répondit, mais toujours avec quelque froideur dans la voix:

" Pourquoi vous m'avez demandé de la tuer? ...Qu'en sais-je? Suis-je à même de pouvoir comprendre l'esprit tordu d'un vampire tel que vous? "

Kurogane observa, avec surprise, le vampire prendre soigneusement entre ses bras le corps de la jeune fille inerte, comme s'il était un prince s'apprêtant à réveiller une princesse endormie d'un merveilleux baiser d'amour; cependant, au lieu de cela, il entailla à son tour la gorge blanche de la jeune fille, brisant le mythe, plus précisément l'artère carotide, là où l'adolescent avait également tranché. C'est là que celui qui se disait le Prince de la Nuit reprit bel et bien son état de vampire.

Alors, lorsque le sang se mit à couler abondamment, celui-ci lui demanda de s'approcher. L'adolescent hésita. Devait-il s'embarquer dans ce rituel étrange? Ne mettait-il pas le doit dans un engrenage dangereux? Quoi qu'il en fût, depuis que la pauvre âme avait quitté ce monde, il était trop tard pour revenir en arrière, et l'adolescent s'exécuta, s'agenouillant près de lui et de la jeune fille brune qui gisait entre ses bras, et qui vint se loger dans les siens, délicatement déposée par le vampire.

Puis ce fut l'invitation. Lorsque Kristen lui fait comprendre que maintenant, pour achever son initiation, il devait boire, et bien que celui-ci ne se fût mis à le regardé, Kurogane, immobile, se mit à contempler longuement le visage de la pauvre innocente. La compassion le saisit de nouveau. Avait-il le droit, lui aussi, de prendre et de se nourrir de la vie des autres, comme se l'octroyait le vampire agenouillé à ses côtés? Non, en aucun cas. Jamais il ne deviendrait un vampire, c'était au-dessus de ses forces. Sa vengeance et ses crimes suffisaient déjà amplement à sa conscience. Cependant, pour ne pas vexer le vampire, l'adolescent posa son doigt sur la gorge de la pauvre malheureuse, récupérant une goutte du précieux liquide dont ses yeux avaient la couleur, et le porta à ses lèvres.

Il grimaça, dégoûté par son propre geste, mais tenta de le cacher pour ne pas blesser Kristen; alors, il lui rendit la jeune fille, et, se levant tout en essuyant ses mains souillées sur son jean noir, il lança au vampire, pensif:

" Finissez-la si ça vous chante. J'ai eu assez de sang pour cette nuit. Je ne veux pas devenir un vampire, non pas par peur, ni par dégoût du sang; mais parce que je porte déjà assez de crimes pour m'offrir une place de choix en Enfer. Cependant... J'accepte d'être votre ami, si on peut appeler ça comme ça, magister... "

Sur ces dernières paroles, il retourna s'adosser contre son mur avec placidité, et, attendant patiemment que le maître ait fini de s'abreuver de la substance vitale de la jeune fille, Kurogane se mit à essuyer sa lame avec soin... Il était stupide de gâter une lame avec du sang séché, même celle d'un simple poignard... A cette pensée, l'Acier Noir se sentit souillé: le sang, lorsqu'il séchait, comme sur l'acier, prenait une teinte noire...

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[J'viens de capter un truc *__* Mon perso ressemble trop à Tyki de D-Gray man en mode dark! X3]

Il y avait certaines personnes que le vampire aimait follement énerver, et le cher disciple penchait dangereusement vers cette catégorie. Il avait pour habitude de classer les gens; et sans aucun doute celui-ci dans le groupe “plaisants” avait déjà vu son nom affublé d'une petite étiquette: “amusant”... C'était une des lubies du psychopathe, il ne fallait pas trop chercher à comprendre. Cependant il allait veiller à ne point trop exaspérer son nouvel ami comme il savait si bien le faire, au risque de le voir de nouveau dégainer son sabre. L'adolescent semblait pourvu d'une certaine... susceptibilité. La fougue de la jeunesse, sans doute...

Kristen ne parvenait pas très bien à comprendre, sa façon de penser était devenue toute autre depuis quelques années. Mais il n'y avait aucun doute au fait que quelques mots de plus rendraient son disciple aussi invivable qu'un ours en colère. Ou qu'un ourson, peut-être. Cela méritait réflexion. Il répéta à voix basse les deux termes employés...

-Cruel et stupide, hm.

Dire que c'était un gamin des rues qui avait le sens de la morale, alors qu'un jeune noble ayant reçu la meilleure éducation de tout Tokyo II se laissait porter par ses instincts primaires. Une soudaine interrogation naquit dans l'esprit altéré du vampire. Suis-je cruel? Considérant cette question avec un peu de recul, cela le laissait plus ou moins indifférent. Il savait déjà qu'il ne tuait pas dans l'unique but de faire souffrir ses victimes, qui mouraient assez rapidement, d'ailleurs. En fait, Kristen ignora totalement les autres paroles de son cher disciple aux yeux de braise, plongé dans une intense méditation existencielle.

Les seuls mots qu'il entendit et le firent sortir de sa torpeur furent: “vampire libidineux”. Oh. Il était vraiment adorable, ce gamin, à essayer de l'atteindre avec de si petites phrases. Il manquait cruellement d'éloquence. En voyant la fureur qui se dégageait de tous les pores de sa peau et formait autour de lui comme un halo d'agressivité perceptible à plusieurs kilomètres, suivi de ces répliques fulminantes mais assez innofensives et enfin d'une lame qui frôla sa joue de près, Kristen laissa échapper un petit rire amusé. Il aurait bien des choses à lui apprendre, à défaut de conseils vampiriques... Mais, tout de même, il se débrouillait bien.

-Sale gosse x)

Quoi, c'était affectueux. C'avait certainement été la meilleure chose à répondre en cet instant, même si elle trahissait le fait qu'il n'avait nullement été affecté par ces attaques verbales. Calme et volupté, patience et réflexion. Peut-être tout le contraire de Kurogane. Il ne fallait pas que ce dernier se rende compte que Kristen n'avait pas écouté la moitié de ce qu'il lui avait dit au risque de devenir tout rouge et d'exploser comme c'était bien parti pour, à en juger son état actuel. Peut-être devrait-il le présenter à une de ses maîtresses pour le détendre un peu... Reste zen, man. Cool la vie Cool

Kristen soupira, suite au semblant d'incompréhension de Junior. Etait-il totalement dénué d'esprit logique? D'après lui, pourquoi un vampire pouvait bien vouloir tuer les gens? C'était lourd, parfois. Le gentleman ne répondit rien, jugeant qu'il le découvrirait bien assez vite malgré que cela tombait sous le sens.

Il observa attentivement Kurogane, qui ne se résignait pas à porter ses lèvres sur la blessure béante du cou de la demoiselle. Ils n'étaient pas sur la même longueur d'onde, surtout en cet instant. Mais il avait goûté. C'était bien. Le vampire reprit dans ses bras la pauvre fille qui n'avait derrière elle qu'une quinzaine d'années d'existence, légèrement déçu de ne s'être pas trouvé un nouveau collègue. Mais au moins, cela en ferait plus pour lui. Sans attendre une seule seconde de plus, il se pencha avidement au dessus de la gorge ensanglantée et s'abreuva de nouveau, barbouillant encore le contour de sa bouche en écarlate, yeux mi-clos de plaisir tandis que le précieux liquide avait pour lui le goût d'un miel céleste.

Quelques minutes plus tard, il reposa délicatement le corps inerte sur le sol, et s'assit dos au mur. Deux dans la soirée, c'était beaucoup. Il sortit son mouchoir déjà souillé pour s'essuyer le visage. Il n'avait pas les idées très claires, c'était comme la désagréable sensation d'avoir trop bu d'alcool. Que ne faisait-il pas pour ne pas gâcher..

-Si cela est ton choix...

Tiens tiens, il connaissait lui aussi les lettres anciennes. Intéressant, ce petit. Kristen leva la tête quelques instants pour contempler les étoiles, si lointaines et innaccessibles, avant de porter de nouveau son regard de glace sur Junior. Qu'allaient-ils faire à présent? Il n'avait pas vraiment envie de laisser s'enfuir le garçon, il leur restait encore toute la nuit pour s'amuser. A ne pas prendre au sens premier du terme, car contrairement à ce qu'avait dit Kurogane pour se venger, l'héritier n'appréciait que les jolies femmes pleines d'esprit et de préférence mariées, et non, il n'était pas pédophile, il fallait arrêter là les fantasmes. Il reprit d'un ton égal, qui sans être totalement neutre laissait percer une pointe joviale.

-Eh bien, si tu ne veux pas de la passion du sang, qu'as-tu à me faire découvrir?

Pitié, faîtes que ce ne soit pas quelque chose à boire ou à manger. Le vampire avait plus qu'eu sa dose ce soir-là. Il se releva avec élégance, une fois propre et dispos, si l'on faisait un effort pour oublier sa chemise teintée de rouge. La lueur de folie s'éteignait lentement dans ses yeux, pour n'y laisser qu'un doux océan à la pureté et la clarté sans limites, envoûtant et effrayant à la fois, et qui avait le don de percer à jour les secrets les plus enfouis...

Il passa négligemment une main dans ses cheveux de jais pour les recoiffer, et épousseta son grand manteau noir qui avait traîné par terre lorsqu'il s'était agenouillé. Ces petites manies auraient pu sembler déplacées, mais l'adolescent allait devoir s'habituer à cette attitude étrange qui caractérisait le beau brun, ainsi qu'à sa langue bien pendue qu'il ne fallait en aucun cas négliger.

-Sois mon guide comme j'ai été le tien.

C'était le nouveau défi, même si son cher disciple n'avait pas réellement le choix. Il fallait que ce soit quelque chose d'amusant, quelque chose d'intéressant, ou quelque chose de joussif. Debout face au garçon, qu'il dépassait de quelques centimètres, il attendait de savoir ce que pouvaient bien être ses loisirs. Ceux de Kristen étaient plus ou moins particuliers; mais Kurogane ne semblait pas un garçon normal pour autant. Avec un petit sourire en coin, il glissa d'un ton désinvolte:

-Et sinon, Junior-kun, tu as une petite amie? ^o^

Smile. Il avait la curieuse impression que ce n'était pas le cas. Ce garçon nécessitait un peu d'affection et d'amour pour adoucir son caractère enflammé, parce que niveau sociabilité, on trouvait mieux. Surtout pour aborder les gens façon je-t'étripe-si-tu-fais-un-mouvement-suspect. Bah, au pire il pourrait arranger ça à sa façon, même s'il doutait que Kuro acceptât la moindre demoiselle de la part de son magister sans penser à une psychopathe ou quelque chose du genre.

Il se mit à replacer soigneusement les plis de ses manches en pensant à celui qui quelques minutes plus tôt n'avait été qu'un inconnu belliqueux et insupportable. On se demandait qui était devenu insupportable, maintenant... hem.
Mouais, il l'aimait bien, ce petit.

Invité

L'adolescent, toujours adossé à son mur, et tout en finissant d'essuyer sa précieuse lame regardait le vampire avec placidité, et avec un petit sourire amusé, car il devait le reconnaître, bien que ce vampire fut particulièrement étrange et un peu tordu, il était intéressant. Après tout, on ne croisait pas tous les jours des vampires séducteurs de jeunes vierges effarouchées tels que lui, comme on ne croisait pas non plus de modèle de l'asocial parfait tel que Kurogane. Oui, même s'il lui tapait un peu sur les nerfs avec ses remarques perfides, il le supportait. Et puis... avec cette proximité de la mort, il l'attirait indéniablement l'adolescent comme un aimant.

Pendant que le vampire marmonnait il se savait trop quoi dans son coin, l'adolescent, qui avait achevé le nettoyage de la lame la rangea dans une des poches de son jean, de la même couleur ébène que l'étaient ses cheveux, et puis, automatiquement, dans le simple geste qu'il avait fait, se mit à regarder ses poignets. Il pesta, et, une bonne minute après s'être perdu dans la malédiction de ses cicatrices, il fourra ses mains dans ses poches, retrouvant le contact de l'acier du poignard ami, avant que le vampire ne remarquât quelque chose. Il n'aimait pas se rappeler qu'il se faisait du mal à lui même, même si c'était plus par impulsion que par volonté propre. A chaque fois, c'était pareil, même s'il se sermonnait, sachant très bien qu'il devait arrêter, il recommençait sans même s'en rendre compte. Comme si c'était de la drogue....

Kurogane eut un rire nerveux. Il avait 17 ans seulement, et même s'il n'était pas le seul dans cette immense ville corrompue, il était pourri jusqu'à l'os, et il le savait bien. Tous les jours de sa vie, il fumait, couchait, tuait, et tout ça par fatalité, comme s'il se disait constamment qu'il était destiné à aller brûler en enfer. Il n'était même pas âgé de la moitié de son espérance de vie (sachant que lui, comme peu de gens dans cette ville, avait la possibilité de vivre encore un bout de temps, allons dire) qu'il en était déjà complètement lassé. Il vivait dans le paradoxe constant qui était à la fois l'envie de mettre fin à cette vie de souffrance et de survivre pour accomplir ce maudit devoir de vengeance. Et tout ça à cause de son satané frère aîné. Itachi, espèce de sale égoïste...

Ces tristes pensées le hantèrent durant un bon moment, jusqu'à ce que le vampire ne le rappelle à la réalité en lançant son sarcasme, ayant lui même eu l'air de s'être perdu dans ses pensées jusque là. Le Prince de la Nuit réussit à décrocher un rictus à l'adolescent, qui lui retourna, avec d'abord cette onomatopée hautaine qui lui était si particulière:

" Hm... Sale vampire. "

C'était vrai, l'Uchiha était un sale gosse, et non seulement il l'assumait parfaitement, mais il en était presque fier. Il commençait véritablement à apprécier ce vampire. Mais il fallait que celui-ci se sorte définitivement cette idée de la tête à laquelle il semblait s'accrocher, jamais il ne deviendrait un Dracula miniature pour ses beaux yeux topaze qui faisaient certes chanceler plus d'une jeune fille, mais dont Sasuke n'avait strictement rien à faire. Et c'est que le vampire en venait même jusqu'à lui parler de jeunes filles! Il s'immisçait maintenant dans sa vie privée et affective... Non mais quel culot.

Cette question ne sembla pourtant pas énerver le jeune homme; elle laissa Kurogane longtemps silencieux, les yeux perdus dans le vide, comme s'il semblait chercher une réponse. C'était vrai, ça, qu'en faisait-il, de l'amour dont il avait tant lu l'éloge dans les livres, même lorsqu'il causait la morsure du destin? Rien. C'était bien le mot. L'amour pour lui n'était qu'une notion vague, abstraite, perdue dans leur monde, et lui ne connaissait que l'affection que l'on pouvait avoir pour les membres de sa famille. Sauf pour son frère, évidemment.

"Une petite amie? Pas vraiment, non. Disons que je n'ai pas de temps à perdre avec ça. " marmonna-t-il, comme s'il l'avait contrarié en soulevant ce point.

Était-il complètement insensible, incapable d'aimer? Peut être, peut être pas. En tous cas ce n'était vraiment pas sa préoccupation majeure pour le moment. Mais qui sait, peut être qu'un jour elle viendrait, cette âme sœur tant attendue, afin de l'apaiser et guérir ses blessures, même s'il n'y croyait pas trop... L'adolescent regarda boire le vampire avec exaspération, puis, la proposition qui vint lui plut assez. Lui montrer son monde à lui? Pourquoi pas. Ca éviterait sûrement au vampire ivre de sang de commencer à délirer complètement sur la vie du garçon, encore. Alors, Kurogane sourit, et acceptant humblement l'état de guide, il fit signe au vampire de le suivre, et comme il le faisait avant qu'il ne rencontre celui-ci dans la ruelle, il grimpa le mur le plus proche et l'emmena se promener sur les toits, sans rien dire.

Inconsciemment, dans l'enthousiasme sûrement, bien qu'il ne sut vraiment si ce qu'il allait lui montrer allait plaire à Kristen, il se mit à fredonner une certaine mélodie qu'il connaissait bien, venant de ce film qu'il affectionnait tant, avec pour protagoniste ce Roi des Citrouilles auquel on lui avait parfois dit qu'il ressemblait:

" This is halloween.... This is halloween... "

Après tout, un démon et un vampire qui se baladaient sur les toits, observant de haut la population de la chaotique ville ne rappelaient-ils pas cette sombre fête qui avait étrangement la même date que le jour de la naissance du garçon? Ils grimpaient d'immeuble en immeuble, toujours plus imposants et plus hauts, arrivant jusqu'au point le plus élevé de cet océan de bâtiments de béton, son repaire et refuge, là d'où la lune était la plus belle, et, dangereusement près du bord de l'édifice, (un pas de plus et il tombait dans le vide), il lança, les yeux rivés sur l'astre dont s'émanait une lueur argentée, avec un léger sourire:

" ...Voici mon royaume, Prince de la Nuit. "

Peut être le vampire n'avait-il pas complètement saisi en quoi ce spectacle était si captivant pour l'adolescent qui ne pouvait détacher son regard de cette lune dissimulée derrière ce gigantesque dôme de verre, pourtant, Kurogane le savait, il finirait bien par le deviner, connaissant plutôt bien maintenant le susceptible adolescent que c'était sa façon à lui de se détendre, d'oublier le quotidien, et cette vie si dure, pleine de remords et de haine... Il s'assit en tailleur, las de rester debout, et de dos au vampire qui devait le trouver étrange, il ne détourna pas son regard de la lune, comme s'il attendait d'elle quelque chose... ou quelqu'un.

Invité

-Oh.

Le vampire était tout à fait choqué. Comment peut-on ne pas avoir de temps à perdre avec ça? Les dames, c'était... c'était... essentiel, pour ne pas dire sa raison de vivre. Et lui semblait les considérer comme un loisir oisif et futile! Hérésie. Outrage. Sacrilège. Blasphème! Ou alors l'hypothèse précédente se confirmait, il était bel et bien homosexuel jusqu'au bout des ongles, mais n'osait pas l'avouer.

-Et moi je dis que ça ne te ferait pas de mal, au contraire.

Parole de professionnel. Il suivait maintenant Kurogane de son pas rapide et élégant; en se demandant où pourrait bien l'emmener le garçon. Pendant qu'ils grimpaient sur un mur sur l'intention de son guide, Kristen songeait d'un air distrait, tout en essayant de rester gracieux dans la drôle de posture qu'il avait prise afin de se hisser sur les tuiles.

Il parvint enfin à se mettre debout, en face de Junior qui l'attendait. L'escalade n'était pas son activité préférée, mais cela en valait toujours la peine, ne serait-ce que pour rendre discrètement visite à quelque belle endormie. Quelle forme pouvait bien prendre la bien-aimée de Kurogane? Il n'allait pas tarder à le découvrir.
Ainsi progressaient-ils sur les toits, silhouettes sombres et fantômatiques dans le voile enveloppant de la nuit, invisibles aux yeux des êtres qui peuplaient la cité endormie. Si l'un d'entre eux tuait l'autre, personne n'en saurait rien. Mais quelle drôle d'idée, tout de même.

-Qu'as-tu donc de si important à faire de tes journées, pour mettre de côté ces merveilleuses créatures que sont les femmes?

Les deux jeunes gens avaient une superbe vue sur Tokyo II. Le quartier où ils se trouvaient était calme, mais plus loin les lampadaires traçaient de leurs lueurs troubles les alignements des rues, accompagnés de néons de couleur et d'enseignes clignotantes. Dans certains endroits spécifiques se devinaient les gens de la nuit, adossés au murs ou en plein commerce avec d'autres. Peut-être était-ce là la beauté particulière de la ville, obscure, mystérieuse et infectée de toutes parts, mais qui conservait encore et toujours ce charme sordide...

Le garçon aux cheveux d'ébène entonna un air inconnu du vampire. Il ne l'aurait pas cru capable de chanter, avec ses airs d'antisocial agressif et qui-fait-tout-le-temps-la-tronche. Ce semblant d'euphorie était-il dû à sa passion, de laquelle ils s'approchaient?

Enfin, alors qu'ils avaient considérablement pris de la hauteur depuis qu'ils avaient quitté la rue, où gisait encore le corps de la demoiselle, Junior s'arrêta, face au vide et à l'immensité de la nuit, et leva la tête pour contempler l'astre circulaire, tel une psyché éthérée posé sur une toile d'encre noire sans fin. Et cette beauté naturelle leur était défendue, enfermée au dehors, interdite à ces pauvres petits humains insignifiants pris en cage sous le dôme. Mais au moins pouvaient-ils en rêver, continuer à alimenter leurs vies du mince espoir de pouvoir un jour la contempler sans barrières...

La nuit, les toits, la lune; son royaume. Hum. Il s'apprêtait à lancer avec l'air de celui qui vient d'avoir l'idée du siècle: “Je sais! Tu es ramoneur de cheminées!”, mais se ravisa, jugeant que cela briserait quelque peu le mysticisme de la situation. Aussi se contenta-t'il de s'asseoir aux côtés de son disciple, jambes dans le vide, et de lever son regard glacé vers l'orbe lointain.
Ce spectacle ne le touchait pas autant que Kurogane. Tout cela était certes enchanteur, comme bercé d'une irréalité émouvante, pour eux qui n'avaient jamais été habitués à la beauté de la nature inexistante dans la ville. Mais passer des soirées entières à contempler l'astre nocturne...? Kristen s'en détacha, pour jeter un bref coup d'oeil à son compagnon fasciné.

-C'est donc elle, la dame de tes nuits?

A chacun sa muse... Le garçon ressemblait fort à un solitaire, qui ne se complaisait qu'en face de cette vue insaisissable. Son amabilité remarquable démontrait du moins que la compagnie des autres ne lui était pas préférable à l'isolement... Et dire que le jeune homme aux yeux couleur ciel d'hiver souffrait de cette solitude, dans son grand manoir tout vide... Les êtres humains sont étranges, n'est-ce pas?
Peut-être y avait-il un espoir de le faire changer, et d'apporter un peu d'espièglerie et de rire dans son existence. Mais pour l'instant, c'était son choix. Le vampire, qui n'avait pas encore décidé ou presque de venir mettre le bazar dans la vie de Kurogane, s'inclina légèrement devant la planète majestueuse avec un respect teinté d'amusement.

-Enchanté.

Il avait pris garde de ne pas trop se pencher car les quelques centaines de mètres de vide en dessous de lui n'étaient pas des plus engageantes. C'aurait été bête de mourir de cette façon, il y avait autrement plus élégant qu'une bouillasse abjecte d'os, de chair, d'entrailles, de cervelle et de sang mêlés au pied d'un immeuble. Cette hauteur pardonnait -très- difficilement.
Les deux jeunes gens demeurèrent ainsi, côte à côte, à contempler les toits et la voûte céleste, parsemée d'étoiles. Un certain désir de liberté était né de ces douces impressions...

Tout à coup, il lui sembla entendre un bruit derrière eux. Il se retourna vivement, pour scruter l'obscurité à la recherche d'un intrus, mais tout semblait aussi noir et calme qu'auparavant. C'avait dû être une bestiole ou autre chose d'innofensif. Malgré cela, ses sens demeurèrent en alerte, guidés par une intuition dérangeante.

-Et tu viens ici souvent?

Son bras se tendit doucement vers l'orbe lumineux, comme pour essayer de le toucher de ses doigts longilignes. Etait-ce réellement si lointain, alors qu'on semblait pouvoir l'atteindre en allongeant la main? Un déclic retentit alors, dans le profond silence qui les avait environnés depuis leur arrivée. Kristen sentit le contact du métal froid sur sa nuque, avant qu'il n'aie pu faire quoi que ce soit...
Il eut un soupir. On n'avait vraiment pas une minute à soi dans ce monde de brutes. Il jugea sage de rester immobile pour le moment. Ces types devaient être des professionnels pour qu'ils n'aient ni l'un ni l'autre décelé leur présence...

Le couteau d'argent était dans la poche intérieure de son manteau, poids rassurant et seule arme. L'air avait soudain semblé devenir glacial, et le vampire, crispé, analysait les différentes solutions qu'il avait pour s'en sortir -vivant. Les chances étaient bien minces. Pour l'instant, mieux vaudrait s'armer de patience et saisir une opportunité, plutôt que de finir avec une balle dans le crâne. Qu'était-ce encore? Des tueurs à gage, pour sa fortune? Il n'avait à sa connaissance aucun litige avec la mafia... Quoi alors? De toute manière, il était presque habitué à se faire agresser, comme tout honnête citoyen -honnête?- de Tokyo II.

Le regard topaze se posa sur Kurogane, sans qu'il pour autant qu'il tournât la tête en un mouvement suspect. Eh bien Junior, nous allons voir de quoi tu es réellement capable... Et si l'adolescent pouvait le sortir de cette situation délicate sans qu'il eût à user lui-même de ses capacités, ce serait pour le mieux.

Invité

L'adolescent fixait la lune avidement, et écoutait le vampire sans pourtant le regarder en face, comme pour échapper à ce que celui-ci venait de lui dire. Voilà que son magister commençait à lui donner des conseils. Comme s'il était le premier à lui reprocher son mode de vie, ses habitudes et sa façon de penser... Kurogane était convaincu que dans cette ville, personne n'était à même de pouvoir juger ou bien de faire des réflexions à quelqu'un d'autre, puisque tout le monde était pourri jusqu'à l'os. Et puis, de la part d'un type qui s'abreuvait du liquide vital de jeunes vierges effarouchées, le commentaire sur l'amour et la vision des femmes n'était pas véritablement crédible. Le jeune homme, toujours sans détacher son regard écarlate de l'astre nocturne répondit, en soupirant, avec un air las:

" Pff... Qui sait... Bizarrement vous n'êtes pas le premier à me dire ça, mais bon... Disons que je préfère attendre que vienne la bonne personne, avant de commencer à y croire... et puis de prendre le risque de me brûler les ailes, comme Icare... "

Son regard semblait maintenant perdu dans le vide. Il le savait, pourtant, au fond de lui, le vampire avait raison. Mais ne valait-il mieux pas rester seul, sans amour, plutôt qu'avec la mauvaise personne, choisie juste par besoin de combler ce manque, et être malheureux toute sa vie? Fait à méditer. Seulement, à force de méditer là dessus, le jeune homme avait complètement délaissé l'amour. C'était vrai qu'il en manquait cruellement. Cependant, il prenait cela bêtement, comme une fatalité, sans envie de se battre pour cela, et haussait les épaules lorsqu'il se rappelait cette question qu'il s'était déjà tant de fois posée... Peu à peu, une gêne et une tristesse que l'on ne voyait que rarement chez lui commencèrent à s'emparer de lui.

Ses lèvres tremblaient à présent, puis tout son corps, comme pris de panique, comme s'il se retenait fortement de s'effondrer, et de crier à l'aide, comme l'envie lui en prenait souvent. Oui, c'était bien plus grave que celui-ci ne le laissait présager par ses paroles pleines d'assurance et de dédain. Il négligeait trop l'amour, c'était un fait, et s'il ne remédiait pas bien vite à cela, cela allait devenir un réel problème... Mais lorsque le vampire, comme par bonheur, changea de sujet, l'adolescent se relâcha d'un coup, et en vint même à sourire. L'emploi du temps de ses journées; voilà qui n'était guère une question à lui poser, lui qui pratiquait le vice comme mode de vie à part entière... Kurogane laissa un silence de courte durée s'installer, comme ce sourire en coin sur ces lèvres, et ces yeux rieurs avec lesquels il regardait maintenant son maître improvisé, une nette amélioration par rapport à sa déprime de tout à l'heure, qui avait failli tourner en crise d'angoisse.

" Oh, je fais certaines choses particulières..., répondit-il. Disons que j'ai des journées plutôt bien remplies, et que je n'ai pas vraiment de temps pour moi. Sauf si bien sûr on considère que je tue ou que je couche pour moi même, mais ce n'est pas le cas. Enfin, le sexe, si, peut être, pour me sentir vivant. Sinon, non. "

Il savait que sa dernière phrase allait peut être choquer le vampire, qui semblait en pure admiration devant les femmes, mais ce n'était pas le cas de Kurogane. Il avait certes un profond respect pour elles, (sauf lorsqu'elles faisaient partie de cette horrible espèce appelée groupies) mais ça s'arrêtait là, même si ça ne l'empêchait pas d'être un peu féministe, au fond. Il avait toujours vu les femmes plus pures que les hommes, même les plus débauchées, et surtout, plus pures que lui! Par contre, il ne comprenait pas comment on pouvait passer son temps à y penser ou à en faire les louanges. Très axé sur sa vengeance, il considérait ça encore comme une perte de temps. Comme presque tout dans la vie, vous l'aurez compris. C'est peut être pour cela que la "Dame de ses Nuits", comme disait Kristen, n'était pour l'instant personne en particulier; peut être la lune, oui, puisqu'il passait parfois des heures à la contempler.

" ...Disons plutôt que la lune, elle, ne m'a jamais trahi, et ne risque pas de le faire. "avoua-t-il, très bas, comme dans un soupir.

C'était plutôt que personne ne le comprenait vraiment, en réalité, et c'est pourquoi il n'avait qu'elle pour seule vraie confidente. Parce que la lune ne peut pas parler, et qu'au dessus des vivants, elle les protège, qu'elle est la compagne des solitaires et des âmes blessées comme lui l'était. C'était triste, mais c'était sa réalité, et il n'y pouvait pas grand chose... Ce qui était plutôt positif, depuis le début de leur entrevue, c'était que même si parfois le vampire lui faisait quelques remarques indélicates qui le plongeaient dans le tourment, celui-ci arrivait toujours à lui faire retrouver le sourire et oublier sa peine au moyen de ses plaisanteries légères. Ainsi, quand il s'inclina devant la lune comme il l'aurait fait pour l'inexistante véritable petite amie de Kurogane, le jeune homme ne put éviter de pouffer de rire. Il était sympa, ce vampire, quand même... S'il venait souvent là? Décidément, que de questions! L'aristocrate était-il en train de lui faire subir un interrogatoire? Mais bon, puisqu'il lui était sympathique, ce n'était pas bien grave, et Kurogane, un peu plus détendu, s'appuyant sur ses bras tendus derrière son dos un peu penché en arrière répondit, cette fois-ci en le regardant en face, histoire qu'il ne se vexe pas, à force:

" ...Quand j'en ai le temps, oui. On peut dire que c'est ma façon de me ressourcer, je suppose... "

Soudain, alerté par ses sens, l'adolescent tourna vivement la tête, et regarda son ami. Apparemment, lui aussi avait senti une présence. Décidément, dans cette ville, il ne fallait pas relâcher son attention une seconde. Restant pourtant sur ses gardes, Kurogane fit mine de ne plus s'en préoccuper vu que rien ne semblait venir, pourtant, comme il s'y attendait, l'attaque ne tarda pas. Voilà qu'on lui mettait le couteau sous la gorge. Comme c'était ironique. Lui, un des meilleurs assassins de la ville et de la mafia se faisait menacer de mort. S'il ne s'était pas retenu, il en aurait éclaté d'un rire sardonique, mais se contenta juste de regarder le vampire dans la même position que lui, avec un sourire et un regard pleins d'assurance, qui indiquaient bien que c'était maintenant son domaine, et qu'il allait lui montrer comment il s'y prenait.

A une rapidité telle qu'on ne le vit presque pas bouger, le jeune homme, assis en tailleur lança sa jambe en arrière, faisant perdre l'équilibre à son agresseur, se saisit de son couteau avec lequel celui-ci le menaçait, trancha l'artère de son co-équipier sui se ruait sur lui, puis celle du possesseur du couteau qui voulait se venger de cette humiliation. Kurogane regarda les corps inertes sur le sol avec mépris. Comme si ces deux là pouvaient prétendre le menacer. Ils ne lui arrivaient pas à la cheville. Il n'avait même pas eu à sortir son sabre.

" Vous voyez qu'il n'y a pas que vous qui êtes capables de faire couler du sang. "dit-il, en léchant la lame couverte du liquide écarlate, ce qui lui arracha tout de même une grimace de dégoût peu après.

[i]Puis, il jeta le poignard qui retomba sur le sol avec fracas, et, faisant un dernier sourire à Kristen, signe qu'ils reprenaient la route, se remit à marcher, afin de poursuivre leur promenade sur les toits.

" Bon, maintenant que ce fâcheux petit problème est réglé, à moi de poser les questions. Comment, dans la réalité, devient-on un vampire? "

Et, plus particulièrement, comment Kirsten en était lui même devenu un? Il avait dit cela non dans le but de chercher à un devenir un, puiqu'il ne voulait à tout prix pas le devenir, mais juste par lubie, peut être par désir d'en savoir un peu plus sur lui...

Invité

Bon, s'il avait décidé de prendre les choses en main, on n'allait pas le contrarier, n'est-ce pas. Autant rester sagement en place et observer les méthodes du discipulus bien-aimé sans remuer le petit doigt. Il pourrait même continuer à contempler le ciel sans trop se soucier du professionnel du meurtre qui pointait un revolver contre sa nuque.

-Oh, très cher, je suis impressionné.

En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, leurs deux agresseurs s'étaient retrouvés égorgés et gisants dans une mare de leur propre hémoglobine. C'avait été prompt, efficace et d'une totale maîtrie. Il était assez fier de Kurogane, ce gosse qui savait massacrer sans hésitation voire avec légèreté des assassins de la pire espèce. Il se demandait tout de même d'où il pouvait bien sortir avec de telles pratiques qui ressemblaient à une habitude...
Le jeune homme lui décocha un sourire satisfait en réponse, avant de se relever élégamment et d'épousseter son pantalon, sans sembler réaliser que deux vies venaient d'être sauvagement arrachées quelques secondes auparavant.

Ses yeux topazes se promenèrent sur les corps immobiles. Des costumes en guise d'habits de travail: ou ils sortaient d'une soirée distinguée et avaient eu une petite envie de trancher de la chair fraiche, ou c'étaient des psychopathes d'un chic inhabituel membres d'une secte pingouiniste, ou c'étaient des membres de la si chaleureuse famille qu'était la mafia. Il penchait plutôt pour la troisième solution. Mais après qui en avaient ces deux énergumènes? Se pourrait-il que Junior...?
Le regard de ciel de Kristen se posa sur lui, l'analysant sous toutes ses coutures. Il n'avait pas l'air plus traumatisé que cela. Et il lécha même la lame ensanglantée de l'arme du crime, certainement pour imiter quelque suceur de sang...

Il eut un petit rire en le voyant s'écoeurer. Quoi de plus normal. Ce sang-là était impur, il n'inspirait au vampire qu'un dégoût distant. Les hommes étaient souillés, et ceux-là plus que beaucoup d'autres. Encore, c'auraient été deux petits garçons d'une dizaine d'années à l'air innocent, c'aurait pu être apétissant, mais ce n'était malheureusement pas le cas.
Cela ferait deux vermines de moins dans la ville, c'était déjà ça... Le dandy soupira, reposant de nouveau son regard sur son élève chéri, qui venait de lui poser une question. Et soudain il tressaillit, se fixant sur son visage, sans ciller, ses iris d'un bleu glacial devenant d'une intensité à faire pâlir d'effroi toute personne normalement constituée.
En moins de deux secondes il s'était retrouvé en face du garçon qui n'avait aucun moyen de réagir. Il était proche, si proche, ses lèvres entrouvertes à quelques centimètres de celles de l'adolescent... Leurs deux corps se touchaient presque, et le temps sembla se suspendre. Mais au dernier moment, le vampire dévia de sa trajectoire initiale et embrassa Kurogane... sur la joue, à l'emplacement exact d'une égratignure de laquelle s'échappait un mince filet de sang.
Ce n'avait pas vraiment été un baiser, mais plutôt une façon détournée de lécher la sève écarlate de son ami, qui se gâchait inutilement! Impur, certes, mais très délicat, et assez relevé à sa façon. Sur sa peau douce et jeune, c'était un met agréable, qui n'aurait en aucun cas dû se perdre.
En voyant l'air traumatisé de son disciple, il dit d'un ton légèrement contrit, après s'être léché les babines avec délectation:

-Pardon. C'est plus fort que moi.

Décidément, le pauvre Junior aurait été plus que marqué par la gente vampire de Tokyo II... Le specimen aux cheveux noirs et aux yeux de topaze ne savait pas très bien quoi faire face à son disciple, aussi se remit-il à marcher d'un air innocent, comme si rien ne s'était passé. Il se souvint soudainement de la question qu'il lui avait posée juste avant de euh... se faire léchouiller. Parfait changement de sujet <3

-Dans la réalité, hmm. C'est une chose qui te prend comme ça, tout d'un coup, une sorte de pulsion sauvage, je dirais... On devient vampire à partir du moment où on apprécie le goût du sang. Mais il faut tout de même être amené à en boire, c'est sûrement ce que tu appelles “devenir” un vampire. Chacun doit avoir une façon différente, plus ou moins naturelle. Il faut être un peu cinglé je suppose.

Kristen faisait attention où il posait ses pattes tout en parlant, histoire de ne pas trébucher dans le noir, et de risquer de passer par dessus bord. Il ne fallait pas oublier qu'ils se trouvaient à des dizaines de mètres de hauteur et que la moindre chute garantirait une fin rapide et douloureuse. Il sauta d'un toit à l'autre, pour accéder à une nouvelle esplanade.

-C'est dommage que tu n'aies pas aimé. Enfin d'un côté ça en fait plus pour moi...

Chacun son truc après tout. Il aurait au moins tenté. Ce n'était pas vraiment son violon d'Ingres que d'essayer de convertir les jeunes innocents tel un gourou maléfique, mais ce jeune homme était tellement intriguant qu'il s'était senti l'envie comme d'avoir une passion commune, de lui faire partager son art... Il se demanda soudain s'il pourrait le kidnapper et l'emmener dans son manoir, mais quelque chose lui disait qu'il ne serait pas aussi coopératif que cette chère ministre. De plus il n'avait pas son flacon de chloroforme...
Et puis bon, kidnapper les gens, ça allait finir par le mettre en danger. Surtout que Kurogane semblait tremper dans des intrigues pas très claires. Soupir.

-Dis moi, c'était après toi qu'ils en avaient? Il ne me semble rien avoir fait de comprometteur ces derniers temps.

Il parcourut la ville du regard. Les lumières des néons, enseignes et lampadaires étaient toujours allumées, même à cette heure tardive. Il ne devait rester que quelques heures avant le lever du soleil. Un halo orangé nimbait la cité, auréole de pollution sinistre, mais qui ne réussirait pas à masquer la lune, ange gardien du gamin.
Peut-être n'allaient-ils pas tarder à se quitter, chacun retournant à ses occupations, l'un vers son gigantesque lit à baldaquin pour rattraper ses heures de sommeil, l'autre vers quelque nébuleuse activité dont il se refusait à livrer les secrets.

» ~ Kristen BloodStained ~ [VAMPIRE]